Le phare

phare

Il a toujours été là
Comme érigé par les vents
Pour qu’il puisse être ce mât
Enchassé dans l’océan

Et même si des carcasses gisent
Comme des monstres de fer crevés
Au pied de ces tempes grises
Faites de sel sur les rochers

Il a l’oeil sur les ressacs
Colosse au squelette de pierre
Combien d’Ulysse loin d’Ithaque
Lui doivent leur retour à terre

Dans les abimes de la nuit
Sur l’incertitude des heures
Quand le soir se sait promis
Aux égarements des douleurs

Quand la colère des flots fume
Et qu’elle déchire les récifs
Que des écharpes de brumes
S’enroulent à son corps massif

Il tend son flanc souverain
Aux torpeurs enivrantes
Affilé par les embruns
Et leurs étreintes conquérantes

Sur l’autel de ses écumes
Dans l’orgie de ses reflux
Quand sous ses quartiers de lune
La peur déroule ses affûts

Il émerge de cette attente
Epuisé par les aguets
Et les craintes de ces tourmentes
Qui menacent de leurs ivraies

Ce n’est que dans les aurores
Qu’il détend son col de nuit
Puis renaît de ses efforts
Et de ces scènes d’agonies

Didier Venturini, Le phare, 1998