En fait le surf, c’est un peu comme la vie. On est porté par une vague qui est le temps, et qui vient mourir sur un rivage, c’est la fin de sa vie. Et en même temps, c’est un mouvement chaotique formé de myriades de molécules d’eau tourbillonnantes, et ce tourbillon on essaye de lui échapper pour aller vers l’eau verte, l’eau propre, la vague qui n’a pas encore cassé.
Et dans beaucoup de situations de la vie, on se retrouve dans les mêmes conditions. Il y a des situations chaotiques pour lesquelles les méthodes traditionnelles du déterminisme, de la prévision (où « les mêmes causes provoquent les mêmes effets »), ne permettent pas de résoudre la complexité de ce que l’on a devant soi. Il faut donc apprendre à surfer des situations chaotiques, discontinues, floues: le monde dans lequel on est entré aujourd’hui.
Il y a une d’ailleurs une notion mathématique tout a fait passionnante qui s’appelle le chaos déterministe, qui montre que des myriades d’éléments peuvent s’organiser en une forme qui nous parle, qui nous dit quelque chose, comme des nuages par exemple, la flamme d’une bougie, ou un jet d’eau.
Et une vague, c’est exactement ça; c’est un chaos déterministe qui donne une forme à la vague, mais qui est fait de myriades de molécules d’eau et sur lesquelles pourtant on se déplace.
Donc je crois qu’il faut parvenir à trouver les moyens de surfer la vie en équilibre, dans un équilibre permanent, dynamique, qui se reconstitue sans cesse, plutôt que toujours essayer de prévoir le lieu ou l’on va être, parce que les conditions changent et l’environnement aussi.
Joël de Rosnay